* aux origines se trouvent...
Les Contes de Grimm
"Les frères Grimm étaient originaires de La Hesse ; dans la culture germanique comme scandinave, la Nature, sa beauté, son âpreté, tiennent une place prépondérante. Ma famille maternelle est norvégienne, ma grand-mère possédait un chalet près de Tromsø, à l'extrême nord du pays. Les récits de vacances impliquaient souvent la traversée d'étendues glacées ou une rencontre plus ou moins problématique avec la faune arctique. Tout ceci a contribué à construire mon imaginaire."
Out To Lunch - Eric Dolphy
"Mon père quitta Budapest en 1956 pour Paris où il poursuivit ses études, une licence-ès-lettres à la Sorbonne et un doctorat en Histoire de l'Art à l'Institut d'Art et d'Archéologie. Il découvrit le jazz dans les caves de Saint-Germain-des-Prés, je l'ai découvert en fouinant dans ses disques. J'ai beaucoup écouté Out To Lunch d'Eric Dolphy. Si je devais garder un seul album de jazz, ce serait celui-ci. Enfant, j'étais fascinée par ses angles, son énergie brute mais parfaitement maîtrisée et une spiritualité proche de la célébration païenne. Il énonçait clairement des émotions que je ressentais sans savoir encore les exprimer."
Thérèse - Alain Cavalier
"J'ai vu une seule fois Thérèse, quand j'étais adolescente. Je préfère ne jamais le revoir, pour laisser ce moment intact. J'en garde le souvenir d'une stupéfaction totale et d'une scène en particulier : la fuite d'une postulante au Carmel exprimée par une simple corde tombant du ciel au milieu d'un plateau sans décor. Plus qu'une image, c'est une leçon narrative. Peu importe les artifices : la force d'un récit ne tient qu'à la clarté du regard."
Le Cirque - Frigyes Karinthy
"A l'université, j'ai été l'élève de l'écrivain Peter Diener, dont je suivais le cours de littératures russe et hongroise. Un matin, il nous distribua des exemplaires polycopiés du Cirque de Karinthy, dont il était le traducteur, avant que le texte ne paraisse dans le recueil de nouvelles éponyme.
A sa lecture, j'ai eu le sentiment d'atteindre l'apex de ce que la littérature peut offrir en terme de langage, de structure, d'émotions. C'est donc l'une des œuvres qui ont contribué a construire le cadre autour de mon propre travail d'écriture. Se fixer un cadre n'est pas limitatif, au contraire. C'est la garantie d'accomplir tout ce que l'on estime nécessaire sans s'inquiéter d'avoir à faire mieux que quiconque. C'est trouver sa place, en quelque sorte."
L'Abécédaire de Gilles Deleuze - Pierre-André Boutang
"A l'époque des vidéo-clubs, je fréquentais toujours le même, tenu, au soir, par un étudiant cinéphile : un garçon maigre et mutique classant inlassablement boîtiers et fiches. Entre deux rangées, il avait disposé un tabouret, sur lequel il proposait sa sélection personnelle. C'est là que j'ai découvert l'Abécédaire de Gilles Deleuze.
Tourné pour être diffusé post-mortem, Deleuze y révèle expériences intimes et réflexions universelles à partir de vingt-six mots commençant chacun par une lettre de l'alphabet. C'est une leçon de transparence, un cours magistral de probité intellectuelle.
Cette découverte est l'histoire d'une double transmission. Par le verbe du philosophe, mais aussi, par le geste : celui d'un garçon timide qui déposait chaque jour ses préférences sur un tabouret."
La Fourchette - André Kertész
"J'ai quatorze ans. Je découvre le cliché La Fourchette dans une monographie de Kertész, qui me convainc que la perfection peut exister en ce monde. C'est très précisément ce cliché qui m'a fait entrer en photographie."
Théorie de l'Art Moderne - Paul Klee
"Paul Klee était théoricien tel qu'il était artiste : hypersensible. On oppose souvent cérébralité et sensibilité, il démontre que l'une ne va pas sans l'autre."
Les albums de Sempé
"Mon père adorait Sempé, dont il possédait tous les albums. Pour Sempé, les situations ordinaires n'ont rien d'anodines, l'être humain est plus nuancé qu'il n'y parait. C'est une lecture du monde en décalage, soutenue par un humour salutaire."
Œuvres complètes - Emily Dickinson
"Emily Dickinson ne quitta jamais sa chambre d'enfant. Recluse, elle y composa une œuvre poétique d'une musicalité inégalée. Ici, la forme fait le sens. Le signifiant est aussi, en lui-même, un signifié."
Madame Bovary - Gustave Flaubert
"En art, une œuvre est réussie quand on ne perçoit pas l'effort nécessaire à sa réalisation. Gustave Flaubert prit cinq ans à écrire Madame Bovary, soupesant chaque mot, chaque virgule. Au final, c'est un texte d'une grande fluidité. Flaubert est un immense technicien, qui nous enseigne l'importance de l'expérimentation et du labeur. Ce sont des aspects que j'aime dans mon travail. Si c'est trop évident, ce n'est pas très intéressant."
A la recherche d'une musique concrète - Pierre Schaeffer
"Sous forme de journal intime, Schaeffer expose, en pleine humilité, ses travaux de recherches musicales: doutes, échecs, méthodologies, victoires. C'est un guide précieux pour celui qui s'engage dans une quête, qu'il soit artiste, scientifique ou chercheur d'or."
Estampes - Claude Debussy
"Debussy était un compositeur visuel, à moins qu'il n'ait été un plasticien auditif. De la porosité des techniques."
Les Yéyés
"Ma mère m'a fait découvrir la musique yéyé. Elle venait d'une famille de gens sérieux, écouter les Yéyés fort à la radio avait été un élément de sa rébellion adolescente. C'est une musique qui émerge alors que la société ne s'est pas encore départie du puritanisme des années 50 et qui manie avec brio la métaphore. Petite, je ne comprenais rien aux sous-entendus. J'aimais sa légèreté, son inventivité et sa saveur fleur-bleue. C'est important, quoi qu'il arrive, de préserver une part de candeur."
Les Aventures de Tintin - Hergé
"La base de tout."